Les propriétaires lillois sont de grands collectionneurs d’art. Leur envie de changer de cadre de vie s’accompagne d’une vraie interrogation. Oui, ils sont partants pour quitter un loft de 500m2 pour un appartement haussmannien de moitié moins de surface à condition de continuer à vivre avec les œuvres qui les accompagnent affectivement. Pour ce projet, les propriétaires embarquent dans l’aventure Jean-Marc & Théo Vynckier père & fils, duo d’architectes d’intérieur roubaisien. Récit d’une commande particulièrement réussie.
Par Emmanuelle Morice
Répertorier les œuvres pour les mettre en scène
Les propriétaires connaissent particulièrement bien Jean-Marc Vynckier pour lui avoir confié la conception de leur loft, avec des attentes alors très différentes. La relation de confiance était d’autant plus importante pour cette seconde commande qu’elle fait entrer dans le projet une dimension qui va au delà de l’architecture et de la décoration. Dans ce projet, les clients attendent du duo d’architectes d’intérieur qu’il réfléchisse à une scénographie de l’ensemble de leurs œuvres. Il s’agit avant tout de transformer les 250m2 de l’appartement haussmannien afin de créer assez de supports muraux, d’espaces de circulation pour que chaque œuvre cohabite dans un ensemble tout en faisant valoir son unicité. Tout cela en préservant aussi la convivialité de vie de l’habitat. Avant même de plonger dans les plans de l’appartement, les Vynckier père&fils répertorient toutes les œuvres d’art : tableaux, sculptures, objets design… dont certaines imposent de très grandes dimensions comme la taxidermie du lion, ou encore la sculpture Vanité des papillons de Philippe Pasqua…
La création d’un espace de 250m2 totalement dédié aux œuvres
Le charme de l’appartement avec ses moulures blanches, ses hauteurs de plafond à 3,5 mètres, son sol en chêne ont été préservés comme l’identité précieuse d’une époque classique. Là où les architectes amènent leur patte contemporaine, c’est en dessinant des éléments d’agencement pouvant accueillir des œuvres : panneaux coulissants, crédences XXL dans la cuisine, bibliothèque, socles… Toutes les pièces de l’appartement sont exploitées pour valoriser l’art, même dans l’exiguïté des toilettes. Le couloir d’entrée, développé sur toute la longueur de l’appartement et nimbé d’un bleu-noir (conçu par Jean Duruisseau, peintre-artiste ami de Jean-Marc Vynckier), se transforme en galerie d’art.
Ce même bleu nuit est utilisé en fond de bibliothèque. Ailleurs, c’est le blanc qui habille les murs. Le sol en chêne dans les espaces de vie (salon, couloir côté jour) et en sapin dans l’espace nuit (chambres, bureaux et couloir côté nuit) rassurent et nourrissent le caractère chaleureux de l’appartement.
Des détails soignés qui amènent une belle et sobre sophistication
Dans la cuisine, l’eucalyptus est associé à l’ensemble du mobilier. La pierre basaltina (pierre de lave) est choisie pour les sols et le plan de travail. L’ensemble de l’agencement (bibliothèque, dressing et grande porte pivot qui donne accès au bureau) en lien avec le sol en chêne ou en sapin, est fabriqué en noyer.
Dans la salle de bain parentale, les architectes choisissent l’association du teck pour les placards de rangement, à la pierre Moléanos pour les sols et les murs de la douche. Le meuble lavabo est fabriqué sur mesure en Corian blanc.
L’éclairage est fondamental ici. Chaque œuvre doit être mise en lumière, tout en ne privant jamais l’ensemble de la pièce d’une lumière naturelle et apaisante. Un très grand nombre de spots encastrés et orientables noirs habillent les plafonds blancs et permet de moduler et de composer la mise en scène lumière.
La grande réussite de cette transformation est d’être parvenu à faire cohabiter l’art dans des pièces qui gardent une fonctionnalité où la convivialité a toute sa place.
Jean-Marc et Théo Vynckier, architectes d’intérieur roubaisiens
Assurer la relève progressive d’un père talentueux à la réputation brute et sans concession peut se vivre comme un challenge ou au contraire comme un apprivoisement. S’effacer progressivement face à un fils qui trouve et impose son identité et sa signature architecturale peut se traduire comme une simple transmission ou au contraire comme une ouverture au partage d’expériences.
Chez les Vynckier, Jean-Marc 73 ans et Théo 27 ans, le temps est une notion importante qui permet d’observer, de tester, de provoquer. Rien n’est jamais acquis, rien n’est noir ou blanc. Tout se forme, s’écrit et se crée avec une remise en question constante des évidences jusqu’à trouver la réponse absolue ! Tous les deux inscrits dans cette démarche, et après trois années de collaboration, la transition se fait en bonne intelligence, patiemment. Chacun occupe sa place, le père cédant doucement du terrain au fils. Le fils prend peu à peu son envol sous l’oeil complice et exigeant du père. Une histoire de transmission du nom et de l’identité Vynckier qui s’inscrit dans la continuité, en douceur, tout en affirmant une nouvelle voie. La relève d’une grande signature est en chemin…
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Photos appartement Didier Knoff Portrait JM et T. Vynckier Dorothee Cary